Coup de filet sur le mariage blanc

Coup de filet sur le mariage blanc
La police aux frontières a mené une vaste opération hier à Toulouse pour démanteler un réseau spécialisé dans les mariages arrangés.


Les services de la police aux frontières ont frappé tôt et fort hier matin à Toulouse et dans les communes de la proche banlieue. Quarante et une interpellations pour autant de gardes à vue. Un vaste coup de filet qui succède à six mois d'enquête dans les milieux turcs qui « prospèrent » dans les travaux publics. En ligne de mire des enquêteurs, une organisation qui, selon les policiers, avait mis en place depuis plusieurs années un moyen simple et efficace pour « offrir » aux ouvriers venus des portes de l'Orient des papiers. Notamment un titre de séjour en bonne et due forme qui permet de travailler officiellement. Et pour obtenir ce sésame, ils leur suffisaient d'épouser une femme !

Coup de filet sur le mariage blanc DDM

Les enquêteurs estiment à une bonne « trentaine » les unions ainsi arrangée. Les futures élues étaient « recrutées » par deux couples. Des femmes souvent en difficulté financière qui moyennant de 5 000 à 10 000 € acceptaient de se prêter à ce petit jeu en toute conscience. Les services chargés de procéder aux contrôles de légalité et de « réalité » du mariage n'y ont vu que du feu. « L'affaire était bien organisée. Le couple passait d'ailleurs suffisamment de temps ensemble pou rn ne pas attirer la suspicion. Il y a eu d'ailleurs plusieurs enquêtes administratives et rien de louche n'a alors été repéré », explique le commissaire Christian Lajarrige, patron de la PAF 31 et à la tête du dispositif hier matin.

Selon les investigations menées depuis décembre par les membres des brigades mobiles de recherches, le système fonctionnerait depuis plusieurs années. « Au moins depuis 2002 », confie un policier. Soupçonné de se trouver à la tête du réseau, un entrepreneur en travaux public : Turc lui aussi, il tiendrait l'organisation par tous les bouts. D'abord en logeant les ouvriers. Ensuite en les employant sur ses chantiers. « Les mariés arrangés travaillent tous dans sa société. On peut facilement imaginer qu'ils le font dans des conditions favorables à leur patron, tant au plan salarial qu'au niveau des heures dues… », expliquent le commissaire de la PAF 31.

Cet homme s'appuyait principalement sur les deux couples chargées de « recruter » les mariés et une femme. Cinq suspects en garde à vue comme leur chef présumé. Les mariés ont également été longuement entendus et les gardes à vue se poursuivaient hie soir. En attendant les présentations des principaux suspects chez la juge Nicole Bergougnan, les enquêteurs estiment déjà que cette organisation de faux mariage est l'une des plus importante démantelée ces dernières années en Métropole.
De gros travailleurs souvent à la limite…

Les enquêteurs de la police aux frontières ont interpellé 41 suspetcs hier. Photo DDM, Thierry Bordas.

Ce n'est pas la première fois que les services d'enquête de la Haute-Garonne s'intéressent de près aux « fonctionnements » des entreprises de travaux publics dirigés par des ressortissants turcs. Ces dernières années, ces sociétés ont pris une part importante des marchés du BTP. « Ce sont de bons professionnels et de gros travailleurs, souligne un acteur du secteur. Et ils pratiquent des prix très serrés… » Le milieu les accuse de prendre de sérieuses distances avec les règles en vigueur : non-déclaration, non-paiement des charges, dépôt de bilan et réouverture sous un autre nom…

Autant de malversations qui ont intéressé les enquêteurs. La division financière de la PJ a notamment envoyé en prison des membres d'une famille aux entreprises florissantes mais aux comptabilités très douteuses. À l'URSSAF, les inspecteurs chargés de la lutte contre le travail au noir soulignent que ces derniers temps, les Turcs sont moins « visibles ». « Après les différentes histoires, les donneurs d'ordre sont plus méfiants, explique Dominique Morisi. Et surtout ils se tournent de plus en plus vers les travailleurs de l'Est : Hongrois, Polonais, Roumains… » Des ouvriers qui permettent d'autres économies « substantielles »…
questions à...
Commissaire Lajarrige

À la tête de la police aux frontières de la Haute-Garonne depuis la fin du mois de mars, le commissaire divisionnaire Lajarrige a dirigé hier la vaste opération de police depuis un PC installé dans les salons de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

Comment a commencé cette enquête ?

Par un tuyau qui a été exploité patiemment par les enquêteurs des brigades mobiles de recherche de la PAF 31. Les premières investigations remontent au mois de décembre. Dans le cadre de notre lutte contre le travail dissimulé, c'était intéressant et peu à peu, les progrès des investigations nous ont réservés d'excellentes surprises. Nous sommes convaincus de nous trouver devant une organisation structurée et parfaitement au point. Ce matin (mercredi N.D.L.R.), nous avons procédé à quarante et une interpellations.

Qui sont ces suspects ?

D'abord le noyau dur de l'organisation. Six personnes accusées d'organiser ces faux mariages pour obtenir des titres de séjour. Nous avons également arrêté les hommes, tous de nationalité turque, qui ont bénéficié de ces arrangements et leurs épouses officielles.

Que risquent ces personnes si elles sont reconnues coupables ?

L'organisation d'un mariage frauduleux est punie de 5 ans de prison et 15 000 € d'amende. Le parquet a également visé la bande organisée : cela double la peine de prison et porte l'amende à 750 000 €.

Publié le 15 mai 2008 à 09h32 | Auteur : Recueillis par J.C.