L’indépendance du Québec est inscrite dans les tendances de l’histoire
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L’indépendance du Québec est inscrite dans les tendances de l’histoire
L’indépendance du Québec est inscrite dans les tendances de l’histoire
Posté par: André Serra, dans Géopolitique
La perspective de l’indépendance du Québec fait l’objet d’opinions fort diverses. À la fois du charbonnier qui anime un gros tiers de la population du pays s’opposent ceux qui pensent que le pays ne pourrait subsister par ses propres moyens, ou que la population du Québec est appelée à se fondre lentement dans le monde « américain » anglophone.
Entre ces positions radicalement opposées se placent des opinions variées. Certaines personnes sont portées à croire qu’ils sont plus en sécurité dans un grand pays plutôt que dans un petit, et qui craignent de perdre le bénéfice de la péréquation, dont le résultat est de le faire vivre aux crochets du reste du Canada (le ROC). D’autres disent qu’ils savent ce qu’ils y perdraient, mais pas ce qu’ils y gagneraient. Beaucoup sont tout simplement plus peureux qu’autre chose et n’ont pas d’opinion. Enfin, de nombreux immigrants devenus citoyens ont cru venir s’installer au Canada et non dans un Québec francophone.
Ces opinions sont généralement fondées sur des raisonnements superficiels, plus proches d’ailleurs d’une subjectivité inquiète que d’une rationalité sourcilleuse. Cet état d’esprit résulte très souvent du fait que les médias du pays, à quelques exceptions près, sont la propriété de groupes anglophones ou non québécois dont la tendance est de minimiser les forces et les atouts du Québec, et de maximiser ses faiblesses pour construire une opinion défavorable à l’indépendance. C’est ce que les sociologues appellent « la fabrication de l’opinion », phénomène bien connu dans tous les pays du monde, et qui constitue une sorte de dictature déguisée, en clair, un déni de démocratie.
Bien entendu, tous ces penchants fluctuent selon le vent de l’économie, la brise des vacances et diverses peurs ou enthousiasmes spontanés suscités par les avatars de l’actualité, et dont il est bien difficile de prévoir la direction et la force.
Bref, le Québec est habité par des girouettes, à moins que ce ne soient par des poules qui caquettent plus ou moins, selon l’abondance ou la pénurie du grain qu’on leur jette.
Mais je voudrais examiner cette question d’une tout autre manière. En effet, tous les scénarios « pour ou contre l’indépendance » envisagés par la population tournent autour de l’idée d’une indépendance réalisée à partir d’un référendum ou au moyen d’une sédition courageuse et volontariste, pour les plus audacieux. Ils ont tous pour défaut le fait d’ignorer superbement que le Québec vit au milieu d’un grand nombre d’autres nations, dont il dépend autant que des fédéralistes d’Ottawa, ne serait-ce que par leurs liens commerciaux et les coopérations diverses qu’il a noués avec un grand nombre de pays, dans des domaines très variés. Mais que ces scénarios soient subjectifs ou non, dans tous les cas, ils ont le défaut de supposer que l’avenir est une continuation indéfinie du présent. Une telle croyance est commune, tout simplement parce que la plupart des gens sont incapables d’imaginer l’avenir. L’histoire est là pour nous le montrer, car les événements dont elle est composée ont presque toujours surpris les prévisions des plus informés des terriens, savants ou non.
Le présent n’est pas éternel
Le présent n’est en effet pas toujours garant de l’avenir, tant s’en faut. Du moins sommes-nous en général fort impuissants à discerner dans le présent les tendances souterraines qui détermineront notre avenir. Par nature, ces tendances ne sont pas apparentes, alors que celles auxquelles on croit finissent souvent dans la déchetterie de l’histoire. Même pour prévoir ce qui se passera le lendemain de chacun des jours que nous vivons, notre cécité naturelle nous trompe, là où nous plaçons nos certitudes les plus dénuées de doutes. Chacun peut le vérifier aisément pour lui-même. Alors, pour plus tard que le lendemain…
Quelques exemples?? Qui aurait dit en 1988, à un moment où l’URSS était encore bien présente sur la planète, que l’indépendance de l’Ukraine serait proclamée le 24 août 1991?? Qui, en 1936, lorsque l’Union Nationale dirigée par Duplessis prit le pouvoir à Québec, où il pratiqua une politique rétrograde, aurait pu penser que Lesage remplacerait Duplessis en 1960 et réussirait à lancer « La révolution tranquille », provoquant ainsi un formidable développement du pays et de la population, l’amenant très près de l’égalité économique avec les provinces anglophones. Et ceci, tout en réussissant progressivement à s’approprier les principaux leviers de pouvoir d’un État libre??
Je pourrais continuer très longtemps cet inventaire des phases non prévues de l’histoire, ou en écrire un épais recueil, et ceci en tous pays et à toutes les époques. Mon sentiment est donc que tous ceux qui croient pouvoir prévoir l’avenir à partir des éléments connus du présent se trompent nécessairement.
Dans le cas précis du Québec, on ne peut ignorer les fissures sous-jacentes à la partie anglaise de la fédération. Celle-ci veut le maintenir séquestré, car le Canada n’existe que par l’existence du Québec en son sein, Sans lui, elle serait encore une mosaïque de colonies anglaises. C’est là une idée d’avenir qui ne fait pas encore partie de notre présent, mais qui pourrait le devenir. Il suffit de l’avoir entendu pour en découvrir la vérité. Encore un exemple?? Qui peut assurer que la Colombie britannique et l’Alberta accepteront de rester dans la fédération lorsque leur puissance économique aura dépassé celle de l’Ontario?? Et comment ne pas tenir compte des nombreuses sécessions récentes?: la Tchécoslovaquie, la Malaisie, le Pakistan, etc. Aucune n’avait été prévue longtemps à l’avance.
Plus loin encore, qui pourrait affirmer que l’unité des États-Unis se tirera indemne de sa rétrogradation historique devant la Chine, dans quelques années?? Eux aussi présentent des fissures sous jacentes considérables, dont ils ignorent ou méprisent la puissance dissolvante, tels de petits mouvements de terrain qui se transforment en volcan.
Actuellement, Thomas Naylor milite pour l’indépendance du Vermont, après avoir publié le « Manifeste des Montagnes vertes » en 2003. Il revendique maintenant 8 % de la population du Vermont derrière son initiative. Il y a quelques semaines, ses représentants sont allés rencontrer ceux de la ligue du sud à Chattanooga dans le Tennessee, pour étudier la manière dont ils pourraient se séparer ensemble des États-Unis.
Dans le reste du monde, faut-il rappeler que les indépendantistes sont majoritaires depuis peu au parlement de l’Écosse, qu’en Belgique Flamands et Wallons sont sur le point de se séparer, que la Catalogne n’est plus retenue à l’Espagne que par des liens politiques de plus en plus ténus, que le Pays Basque espagnol applique depuis trente ans des pressions importantes sur le pouvoir central de l’Espagne, et qu’il en a obtenu d’importantes concessions pour la réalisation d’une première étape d’autonomie,
Si l’on regarde un peu plus loin encore dans l’histoire, on peut remarquer que l’empire romain, après avoir initié un cycle de concentration politique considérable sur trois continents, a littéralement éclaté entre le IVème et le Ve siècle, en un nombre considérable de petites principautés, la plupart du temps sur des bases ethniques ou linguistiques, ressurgies du passé.
Depuis, un nouveau cycle de reconcentration politique s’est progressivement enclenché à travers guerres et conquêtes, du haut Moyen Âge jusqu’au début du XXe siècle. Il suffit de citer les principaux pays européens. La France d’abord, ensuite l’Allemagne, et enfin l’Italie, se sont progressivement constituées en regroupant marches, provinces et principautés nobiliaires issues du Moyen Âge. On peut considérer que ce cycle a culminé avec la formation de l’URSS, vers la fin de la guerre de 1914, avec ses quasi-annexions de l’est européen en 1945 et de ses cinq républiques autonomes du centre de l’Asie.
Après cela, retour au modèle de la chute de Rome, mais pour Moscou cette fois-ci, en 1989?: libération des pays baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie, des pays de l’est européen, Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Tchécoslovaquie, des pays situés entre l’Oural et la Chine, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan et Turkménistan, des anciennes populations caucasiennes, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan.
Après le démembrement de l’URSS, explosion de la Yougoslavie dans ses composantes historiques, Slovénie, Bosnie Herzégovine, Croatie, Macédoine, et Serbie-Monténégro, également dissociés aujourd’hui.
Mais avant même l’explosion de l’URSS, ce mouvement de désintégration politique avait commencé ça et là, après la guerre de 1939-1945, sans que l’on comprenne qu’il s’agissait du début d’un nouveau cycle de déconcentration politique et démographique. Rappelons donc la séparation de Singapour de la Malaisie, du Pakistan oriental [aujourd’hui Bangladesh] du Pakistan occidental [redevenu Pakistan], sans parler de tous les États africains qui se sont formés après la dissolution de l’empire colonial français, et partout dans le monde après celle de l’empire colonial anglais.
Aujourd’hui même se préparent d’autres scissions, chez les Kurdes du Moyen-Orient, les Arabes sunnites et chiites en Irak, les Kabyles en Algérie, autant de fruits murs pour des indépendances prochaines. Et d’autres que l’on ignore encore, car elles ne sont encore que dans l’œuf.
Certes, les nations européennes semblent s’être groupées en une organisation unique qui semble démentir le modèle que l’on vient de définir. Mais tout n’est pas encore joué, et son unité politique tarde à se concrétiser. Seule la maintient pour le moment en place la rivalité informelle que l’Europe entretient avec les États-Unis, mais d’importantes divergences culturelles couvent, avec la Pologne, la Grande-Bretagne, etc. Elle pourrait bien sauter à son tour lorsque la Chine aura terminé d’asphyxier le colosse américain, dont le déclin est en accélération continue. Pourtant, peu de personnes encore sont disposées à l’admettre, au nom du mythe de l’éternel présent. Et surtout pas aux États-Unis, les moins bien placés pour le comprendre, toujours accrochés qu’ils sont au mythe du rêve américain et sous l’empire des médias.
Tous ces mouvements géopolitiques dessinent un orbe continu de déconcentration du pouvoir politique autour de la planète. Il est difficile de le nier, mais il est probable qu’à son terme, dans un avenir indéfini, un nouveau cycle de reconcentration interviendra à nouveau, peut-être bien sous la férule doucereuse de la Chine. Mais ce sera seulement pour après-demain, et beaucoup d’entre nous ne le connaîtrons sans doute pas.
***
En dépit de l’ampleur prise par ce mouvement, beaucoup de Québécois sont persuadés qu’il leur sera possible de parvenir à l’indépendance de leur pays par leurs propres moyens. C’est ça, le Québec réel aujourd’hui. En effet, personne ne semble encore avoir pensé que ce pourrait être des évènements extérieurs au pays, indépendants de leur volonté et de leurs initiatives, qui leur ouvriraient toute grande la porte du large.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de seulement imaginer ce que pourraient être de tels événements, car s’ils existent, c’est sous forme de racines profondes, blotties au sein des sillons anglophones. Alors taisons-nous et laissons l’histoire se dérouler à son aise. Elle est en marche, et aucun homme jusqu’ici, aucun monarque, dictateur ou prophète, n’a réussi à la faire dévier de ses tendances souterraines. Celles-ci émergent là où elles veulent et quand leurs forces sont suffisantes, pour sauter à la face des humains sidérés.
Nous taire ne veut pas dire pour autant que nous ne devons pas agir en attendant que la nature nous apporte sur un plat d’argent l’objet de tous nos désirs. Le sage chinois recommande : «agir sans agir». Cela signifie que nous devons être à l’affut des propensions de l’histoire avant toute initiative qui pourrait être en contradiction avec elles, et ne pas affirmer n’importe quoi sans assoir vigoureusement notre pensée. L’exemple des référendums manqués est un exemple typique d’initiatives prises en contradiction avec les propensions du moment. Il faut savoir attendre, et en attendant, se renforcer pour saisir l’opportunité qui se présentera nécessairement un jour dans notre environnement géopolitique. Il y a là un sujet important sur lequel je reviendrai plus tard, car il exige un développement qui sort du cadre limité de cet article.
Pour ma part, je soupçonne que l’indépendance du Québec est bel et bien inscrite dans cette tendance historique, comme elle l’était pour tous les peuples qui y sont parvenus au cours de chaque cycle de déconcentration politique de l’histoire humaine.
La mondialisation politique n’aura donc pas lieu, et Je ne le regrette pas.
Posté par: André Serra, dans Géopolitique
La perspective de l’indépendance du Québec fait l’objet d’opinions fort diverses. À la fois du charbonnier qui anime un gros tiers de la population du pays s’opposent ceux qui pensent que le pays ne pourrait subsister par ses propres moyens, ou que la population du Québec est appelée à se fondre lentement dans le monde « américain » anglophone.
Entre ces positions radicalement opposées se placent des opinions variées. Certaines personnes sont portées à croire qu’ils sont plus en sécurité dans un grand pays plutôt que dans un petit, et qui craignent de perdre le bénéfice de la péréquation, dont le résultat est de le faire vivre aux crochets du reste du Canada (le ROC). D’autres disent qu’ils savent ce qu’ils y perdraient, mais pas ce qu’ils y gagneraient. Beaucoup sont tout simplement plus peureux qu’autre chose et n’ont pas d’opinion. Enfin, de nombreux immigrants devenus citoyens ont cru venir s’installer au Canada et non dans un Québec francophone.
Ces opinions sont généralement fondées sur des raisonnements superficiels, plus proches d’ailleurs d’une subjectivité inquiète que d’une rationalité sourcilleuse. Cet état d’esprit résulte très souvent du fait que les médias du pays, à quelques exceptions près, sont la propriété de groupes anglophones ou non québécois dont la tendance est de minimiser les forces et les atouts du Québec, et de maximiser ses faiblesses pour construire une opinion défavorable à l’indépendance. C’est ce que les sociologues appellent « la fabrication de l’opinion », phénomène bien connu dans tous les pays du monde, et qui constitue une sorte de dictature déguisée, en clair, un déni de démocratie.
Bien entendu, tous ces penchants fluctuent selon le vent de l’économie, la brise des vacances et diverses peurs ou enthousiasmes spontanés suscités par les avatars de l’actualité, et dont il est bien difficile de prévoir la direction et la force.
Bref, le Québec est habité par des girouettes, à moins que ce ne soient par des poules qui caquettent plus ou moins, selon l’abondance ou la pénurie du grain qu’on leur jette.
Mais je voudrais examiner cette question d’une tout autre manière. En effet, tous les scénarios « pour ou contre l’indépendance » envisagés par la population tournent autour de l’idée d’une indépendance réalisée à partir d’un référendum ou au moyen d’une sédition courageuse et volontariste, pour les plus audacieux. Ils ont tous pour défaut le fait d’ignorer superbement que le Québec vit au milieu d’un grand nombre d’autres nations, dont il dépend autant que des fédéralistes d’Ottawa, ne serait-ce que par leurs liens commerciaux et les coopérations diverses qu’il a noués avec un grand nombre de pays, dans des domaines très variés. Mais que ces scénarios soient subjectifs ou non, dans tous les cas, ils ont le défaut de supposer que l’avenir est une continuation indéfinie du présent. Une telle croyance est commune, tout simplement parce que la plupart des gens sont incapables d’imaginer l’avenir. L’histoire est là pour nous le montrer, car les événements dont elle est composée ont presque toujours surpris les prévisions des plus informés des terriens, savants ou non.
Le présent n’est pas éternel
Le présent n’est en effet pas toujours garant de l’avenir, tant s’en faut. Du moins sommes-nous en général fort impuissants à discerner dans le présent les tendances souterraines qui détermineront notre avenir. Par nature, ces tendances ne sont pas apparentes, alors que celles auxquelles on croit finissent souvent dans la déchetterie de l’histoire. Même pour prévoir ce qui se passera le lendemain de chacun des jours que nous vivons, notre cécité naturelle nous trompe, là où nous plaçons nos certitudes les plus dénuées de doutes. Chacun peut le vérifier aisément pour lui-même. Alors, pour plus tard que le lendemain…
Quelques exemples?? Qui aurait dit en 1988, à un moment où l’URSS était encore bien présente sur la planète, que l’indépendance de l’Ukraine serait proclamée le 24 août 1991?? Qui, en 1936, lorsque l’Union Nationale dirigée par Duplessis prit le pouvoir à Québec, où il pratiqua une politique rétrograde, aurait pu penser que Lesage remplacerait Duplessis en 1960 et réussirait à lancer « La révolution tranquille », provoquant ainsi un formidable développement du pays et de la population, l’amenant très près de l’égalité économique avec les provinces anglophones. Et ceci, tout en réussissant progressivement à s’approprier les principaux leviers de pouvoir d’un État libre??
Je pourrais continuer très longtemps cet inventaire des phases non prévues de l’histoire, ou en écrire un épais recueil, et ceci en tous pays et à toutes les époques. Mon sentiment est donc que tous ceux qui croient pouvoir prévoir l’avenir à partir des éléments connus du présent se trompent nécessairement.
Dans le cas précis du Québec, on ne peut ignorer les fissures sous-jacentes à la partie anglaise de la fédération. Celle-ci veut le maintenir séquestré, car le Canada n’existe que par l’existence du Québec en son sein, Sans lui, elle serait encore une mosaïque de colonies anglaises. C’est là une idée d’avenir qui ne fait pas encore partie de notre présent, mais qui pourrait le devenir. Il suffit de l’avoir entendu pour en découvrir la vérité. Encore un exemple?? Qui peut assurer que la Colombie britannique et l’Alberta accepteront de rester dans la fédération lorsque leur puissance économique aura dépassé celle de l’Ontario?? Et comment ne pas tenir compte des nombreuses sécessions récentes?: la Tchécoslovaquie, la Malaisie, le Pakistan, etc. Aucune n’avait été prévue longtemps à l’avance.
Plus loin encore, qui pourrait affirmer que l’unité des États-Unis se tirera indemne de sa rétrogradation historique devant la Chine, dans quelques années?? Eux aussi présentent des fissures sous jacentes considérables, dont ils ignorent ou méprisent la puissance dissolvante, tels de petits mouvements de terrain qui se transforment en volcan.
Actuellement, Thomas Naylor milite pour l’indépendance du Vermont, après avoir publié le « Manifeste des Montagnes vertes » en 2003. Il revendique maintenant 8 % de la population du Vermont derrière son initiative. Il y a quelques semaines, ses représentants sont allés rencontrer ceux de la ligue du sud à Chattanooga dans le Tennessee, pour étudier la manière dont ils pourraient se séparer ensemble des États-Unis.
Dans le reste du monde, faut-il rappeler que les indépendantistes sont majoritaires depuis peu au parlement de l’Écosse, qu’en Belgique Flamands et Wallons sont sur le point de se séparer, que la Catalogne n’est plus retenue à l’Espagne que par des liens politiques de plus en plus ténus, que le Pays Basque espagnol applique depuis trente ans des pressions importantes sur le pouvoir central de l’Espagne, et qu’il en a obtenu d’importantes concessions pour la réalisation d’une première étape d’autonomie,
Si l’on regarde un peu plus loin encore dans l’histoire, on peut remarquer que l’empire romain, après avoir initié un cycle de concentration politique considérable sur trois continents, a littéralement éclaté entre le IVème et le Ve siècle, en un nombre considérable de petites principautés, la plupart du temps sur des bases ethniques ou linguistiques, ressurgies du passé.
Depuis, un nouveau cycle de reconcentration politique s’est progressivement enclenché à travers guerres et conquêtes, du haut Moyen Âge jusqu’au début du XXe siècle. Il suffit de citer les principaux pays européens. La France d’abord, ensuite l’Allemagne, et enfin l’Italie, se sont progressivement constituées en regroupant marches, provinces et principautés nobiliaires issues du Moyen Âge. On peut considérer que ce cycle a culminé avec la formation de l’URSS, vers la fin de la guerre de 1914, avec ses quasi-annexions de l’est européen en 1945 et de ses cinq républiques autonomes du centre de l’Asie.
Après cela, retour au modèle de la chute de Rome, mais pour Moscou cette fois-ci, en 1989?: libération des pays baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie, des pays de l’est européen, Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Tchécoslovaquie, des pays situés entre l’Oural et la Chine, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan et Turkménistan, des anciennes populations caucasiennes, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan.
Après le démembrement de l’URSS, explosion de la Yougoslavie dans ses composantes historiques, Slovénie, Bosnie Herzégovine, Croatie, Macédoine, et Serbie-Monténégro, également dissociés aujourd’hui.
Mais avant même l’explosion de l’URSS, ce mouvement de désintégration politique avait commencé ça et là, après la guerre de 1939-1945, sans que l’on comprenne qu’il s’agissait du début d’un nouveau cycle de déconcentration politique et démographique. Rappelons donc la séparation de Singapour de la Malaisie, du Pakistan oriental [aujourd’hui Bangladesh] du Pakistan occidental [redevenu Pakistan], sans parler de tous les États africains qui se sont formés après la dissolution de l’empire colonial français, et partout dans le monde après celle de l’empire colonial anglais.
Aujourd’hui même se préparent d’autres scissions, chez les Kurdes du Moyen-Orient, les Arabes sunnites et chiites en Irak, les Kabyles en Algérie, autant de fruits murs pour des indépendances prochaines. Et d’autres que l’on ignore encore, car elles ne sont encore que dans l’œuf.
Certes, les nations européennes semblent s’être groupées en une organisation unique qui semble démentir le modèle que l’on vient de définir. Mais tout n’est pas encore joué, et son unité politique tarde à se concrétiser. Seule la maintient pour le moment en place la rivalité informelle que l’Europe entretient avec les États-Unis, mais d’importantes divergences culturelles couvent, avec la Pologne, la Grande-Bretagne, etc. Elle pourrait bien sauter à son tour lorsque la Chine aura terminé d’asphyxier le colosse américain, dont le déclin est en accélération continue. Pourtant, peu de personnes encore sont disposées à l’admettre, au nom du mythe de l’éternel présent. Et surtout pas aux États-Unis, les moins bien placés pour le comprendre, toujours accrochés qu’ils sont au mythe du rêve américain et sous l’empire des médias.
Tous ces mouvements géopolitiques dessinent un orbe continu de déconcentration du pouvoir politique autour de la planète. Il est difficile de le nier, mais il est probable qu’à son terme, dans un avenir indéfini, un nouveau cycle de reconcentration interviendra à nouveau, peut-être bien sous la férule doucereuse de la Chine. Mais ce sera seulement pour après-demain, et beaucoup d’entre nous ne le connaîtrons sans doute pas.
***
En dépit de l’ampleur prise par ce mouvement, beaucoup de Québécois sont persuadés qu’il leur sera possible de parvenir à l’indépendance de leur pays par leurs propres moyens. C’est ça, le Québec réel aujourd’hui. En effet, personne ne semble encore avoir pensé que ce pourrait être des évènements extérieurs au pays, indépendants de leur volonté et de leurs initiatives, qui leur ouvriraient toute grande la porte du large.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables de seulement imaginer ce que pourraient être de tels événements, car s’ils existent, c’est sous forme de racines profondes, blotties au sein des sillons anglophones. Alors taisons-nous et laissons l’histoire se dérouler à son aise. Elle est en marche, et aucun homme jusqu’ici, aucun monarque, dictateur ou prophète, n’a réussi à la faire dévier de ses tendances souterraines. Celles-ci émergent là où elles veulent et quand leurs forces sont suffisantes, pour sauter à la face des humains sidérés.
Nous taire ne veut pas dire pour autant que nous ne devons pas agir en attendant que la nature nous apporte sur un plat d’argent l’objet de tous nos désirs. Le sage chinois recommande : «agir sans agir». Cela signifie que nous devons être à l’affut des propensions de l’histoire avant toute initiative qui pourrait être en contradiction avec elles, et ne pas affirmer n’importe quoi sans assoir vigoureusement notre pensée. L’exemple des référendums manqués est un exemple typique d’initiatives prises en contradiction avec les propensions du moment. Il faut savoir attendre, et en attendant, se renforcer pour saisir l’opportunité qui se présentera nécessairement un jour dans notre environnement géopolitique. Il y a là un sujet important sur lequel je reviendrai plus tard, car il exige un développement qui sort du cadre limité de cet article.
Pour ma part, je soupçonne que l’indépendance du Québec est bel et bien inscrite dans cette tendance historique, comme elle l’était pour tous les peuples qui y sont parvenus au cours de chaque cycle de déconcentration politique de l’histoire humaine.
La mondialisation politique n’aura donc pas lieu, et Je ne le regrette pas.
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Date d'inscription : 18/02/2008
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