L'hélicoptère de Bernanke et la trappe de liquidité mondiale
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L'hélicoptère de Bernanke et la trappe de liquidité mondiale
L'hélicoptère de Bernanke et la trappe de liquidité mondiale
11 jan 2009Par Franck Lirzin
Les principaux taux d'intérêts mondiaux sont à des niveaux historiquement bas, proches de zéro. Cette baisse massive est l'ultime arme d'une politique monétaire fortement malmenée par la crise. C'est aussi un pari risqué qui menace de faire plonger l'économie mondiale dans une crise de liquidité, où le Japon se trouve plongé depuis déjà une décennie.
L'utimatum monétaire
La crise actuelle a commencé comme une crise de liquidité. La réponse naturelle a été de baisser les taux de refinancement des banques, pour les inciter à prêter d'avantage et réenclencher l'économie. Mais, la faillite de Lehman Brothers, et les effets financiers calamiteux qui ont suivi, ont rendu caduque la politique monétaire. De baisse en baisse, les taux avoisinent aujourd'hui zéro aux Etats-Unis et au Japon. 1,5% en Angleterre, le plus bas taux depuis la création de la banque, au 17e siècle.
Cette baisse drastique a pu se faire à la faveur de la baisse du prix des matières premières, qui soulagent les pressions inflationnistes. L'inflation se situe aujourd'hui autour de 1,5%, loin des 3% ou 4% que l'on avait pu frôler. Elle reste encore haute en Angleterre, ce qui explique pourquoi la Banque Centrale hésite à baisser encore ses taux.
Aujourd'hui, la Fed, la Banque Centrale américaine, ne peut plus baisser les taux et ses marges sont fortement réduites. Elle peut encore racheter les actifs pourris – mais qui s'en soucie encore ? - proposer des contreparties plus souples, élargir son activité, etc. Mais, le fondement de la politique monétaire qui, couplée avec une politique budgétaire, est d'inciter les entreprises à emprunter pour investir et préparer ainsi la reprise économique. Rien de tout cela n'a marché pour le moment. Il faut certes du temps pour voir les effets, mais un autre risque menace.
Trappe de liquidité
Les entreprises empruntent aujourd'hui à des taux extraordinairement élevés, 8% parfois. Quand elles le peuvent. Les banques ne prêtent plus aux entreprises pouvant faire faillite, et les grosses entreprises doivent convaincre les marchés de leur prêter de l'argent. Jusqu'à présent, ceux-ci préféraient acheter des bons du Trésor, particulièrement américain, ce qu'il y a de plus sûr. Les Etats pouvaient alors emprunter à des taux relativement bas, et financer leur plan de relance.
La semaine dernière, l'Allemagne n'a pas réussi à lever les 6 milliards au taux qu'elle proposait, et elle devra relever ses taux. Les taux dans la zone Euro sont en effet de plus en plus épars. Entre une Grèce très mal en point et une Allemagne locomotive de la zone Euro, il y a 1,5% d'écart. Pour une même monnaie ! Les Etats eux-mêmes sont contraints de relever leurs taux.
Dans le même temps, avec une inflation à 1,5%, les taux d'intérêt réels sont négatifs. Ce qui signifie que si une banque emprunte à sa Banque Centrale de l'argent et la lui rend tel quel un an plus tard, elle aura gagné de l'argent ! Les Banques Centrales paient les banques pour leur emprunter de l'argent. L'idée est que les banques puissent ainsi recommencer à prêter aux entreprises et aux particuliers. Mais, cela peut aussi ne pas se produire : voyant l'état de l'économie, les banques ont tout intérêt à thésauriser : à garder leur argent sous le matelas. A emprunter donc des sommes colossales et à les garder bien au chaud en attendant. Mais, en attendant, l'économie n'a plus de crédit et se meurt, et les banques sont confirmées dans leur thésaurisation.
C'est une situation dont il est très difficile de sortir. L'argent est là en abondance, mais il ne parvient pas à ceux qui en ont besoin. La solution pour s'en sortir est de l'envoyer directement, sans passer par les banques. C'est l'image de l'hélicoptère de Bernanke que l'on trouve dans certains journaux américains : la Fed distribuant des billets à la population directement. Derrière l'image, la méthode est de baisser les impôts.
Trappe de liquidité bis, l'effet d'évication
En miroir, on voit que les banques peuvent aussi préférer prêter leur argent aux Etats, qui eux-mêmes l'injectent dans l'économie. Le problème est bien sûr que les Etats sont bien moins au courant des besoins de l'économie que les acteurs eux-mêmes. Dans ce cas, l'argent n'est pas bien employé, et une étude récente de la BCE, disponible sur son site, montre que tous les plans de relance financés ainsi ont été un semi-échec en Europe.
On le voit, la place des banques, leurs décisions, vont jouer dans les mois à venir un rôle primordial. Elles peuvent plonger les économies dans une trappe de liquidité mondiale, dont nous aurons bien du mal à sortir. Les mécanismes bancaires peuvent encore rendre inefficace les plans de relance. Mais, ne blâmons pas les banques pour ceux-là, elles aussi sont prises dans des mécanismes de survie qui les poussent à agir dans un sens ou dans l'autre. Les mois à venir risquent d'être très chahutés sur les marché des dettes.
http://www.mediapart.fr/club/blog/franck-lirzin/110109/l-helicoptere-de-bernanke-et-la-trappe-de-liquidite-mondiale
11 jan 2009Par Franck Lirzin
Les principaux taux d'intérêts mondiaux sont à des niveaux historiquement bas, proches de zéro. Cette baisse massive est l'ultime arme d'une politique monétaire fortement malmenée par la crise. C'est aussi un pari risqué qui menace de faire plonger l'économie mondiale dans une crise de liquidité, où le Japon se trouve plongé depuis déjà une décennie.
L'utimatum monétaire
La crise actuelle a commencé comme une crise de liquidité. La réponse naturelle a été de baisser les taux de refinancement des banques, pour les inciter à prêter d'avantage et réenclencher l'économie. Mais, la faillite de Lehman Brothers, et les effets financiers calamiteux qui ont suivi, ont rendu caduque la politique monétaire. De baisse en baisse, les taux avoisinent aujourd'hui zéro aux Etats-Unis et au Japon. 1,5% en Angleterre, le plus bas taux depuis la création de la banque, au 17e siècle.
Cette baisse drastique a pu se faire à la faveur de la baisse du prix des matières premières, qui soulagent les pressions inflationnistes. L'inflation se situe aujourd'hui autour de 1,5%, loin des 3% ou 4% que l'on avait pu frôler. Elle reste encore haute en Angleterre, ce qui explique pourquoi la Banque Centrale hésite à baisser encore ses taux.
Aujourd'hui, la Fed, la Banque Centrale américaine, ne peut plus baisser les taux et ses marges sont fortement réduites. Elle peut encore racheter les actifs pourris – mais qui s'en soucie encore ? - proposer des contreparties plus souples, élargir son activité, etc. Mais, le fondement de la politique monétaire qui, couplée avec une politique budgétaire, est d'inciter les entreprises à emprunter pour investir et préparer ainsi la reprise économique. Rien de tout cela n'a marché pour le moment. Il faut certes du temps pour voir les effets, mais un autre risque menace.
Trappe de liquidité
Les entreprises empruntent aujourd'hui à des taux extraordinairement élevés, 8% parfois. Quand elles le peuvent. Les banques ne prêtent plus aux entreprises pouvant faire faillite, et les grosses entreprises doivent convaincre les marchés de leur prêter de l'argent. Jusqu'à présent, ceux-ci préféraient acheter des bons du Trésor, particulièrement américain, ce qu'il y a de plus sûr. Les Etats pouvaient alors emprunter à des taux relativement bas, et financer leur plan de relance.
La semaine dernière, l'Allemagne n'a pas réussi à lever les 6 milliards au taux qu'elle proposait, et elle devra relever ses taux. Les taux dans la zone Euro sont en effet de plus en plus épars. Entre une Grèce très mal en point et une Allemagne locomotive de la zone Euro, il y a 1,5% d'écart. Pour une même monnaie ! Les Etats eux-mêmes sont contraints de relever leurs taux.
Dans le même temps, avec une inflation à 1,5%, les taux d'intérêt réels sont négatifs. Ce qui signifie que si une banque emprunte à sa Banque Centrale de l'argent et la lui rend tel quel un an plus tard, elle aura gagné de l'argent ! Les Banques Centrales paient les banques pour leur emprunter de l'argent. L'idée est que les banques puissent ainsi recommencer à prêter aux entreprises et aux particuliers. Mais, cela peut aussi ne pas se produire : voyant l'état de l'économie, les banques ont tout intérêt à thésauriser : à garder leur argent sous le matelas. A emprunter donc des sommes colossales et à les garder bien au chaud en attendant. Mais, en attendant, l'économie n'a plus de crédit et se meurt, et les banques sont confirmées dans leur thésaurisation.
C'est une situation dont il est très difficile de sortir. L'argent est là en abondance, mais il ne parvient pas à ceux qui en ont besoin. La solution pour s'en sortir est de l'envoyer directement, sans passer par les banques. C'est l'image de l'hélicoptère de Bernanke que l'on trouve dans certains journaux américains : la Fed distribuant des billets à la population directement. Derrière l'image, la méthode est de baisser les impôts.
Trappe de liquidité bis, l'effet d'évication
En miroir, on voit que les banques peuvent aussi préférer prêter leur argent aux Etats, qui eux-mêmes l'injectent dans l'économie. Le problème est bien sûr que les Etats sont bien moins au courant des besoins de l'économie que les acteurs eux-mêmes. Dans ce cas, l'argent n'est pas bien employé, et une étude récente de la BCE, disponible sur son site, montre que tous les plans de relance financés ainsi ont été un semi-échec en Europe.
On le voit, la place des banques, leurs décisions, vont jouer dans les mois à venir un rôle primordial. Elles peuvent plonger les économies dans une trappe de liquidité mondiale, dont nous aurons bien du mal à sortir. Les mécanismes bancaires peuvent encore rendre inefficace les plans de relance. Mais, ne blâmons pas les banques pour ceux-là, elles aussi sont prises dans des mécanismes de survie qui les poussent à agir dans un sens ou dans l'autre. Les mois à venir risquent d'être très chahutés sur les marché des dettes.
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