Chèques frelatés...
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Chèques frelatés...
2) Chèques frelatés...
http://www.liberation.fr/actualite/societe/328533.FR.php
Les banquiers défilent après avoir tenté de se défiler
RENAUD LECADRE
QUOTIDIEN : mercredi 28 mai 2008
L’Etat-major de la Société générale comparaît demain en correctionnelle pour blanchiment: Daniel Bouton (président), Emmanuel de Bouard (responsable des agences), Philippe Vigue (chef de l’inspection) et Chrisitian Schrike (secrétaire général). Ce sera le point d’orgue du procès Sentier II, entamé début février, qui juge un circuit de chèques frelatés (volés ou endossés) entre la France et Israël portant sur 150 millions d’euros, dont 20% ont transité par la Société générale. Cent trente prévenus (dont six rabbins et un magistrat) ont déjà comparu, ne restent plus que les banquiers.
«Indigence». Le risque pénal de l’équipe Bouton est relatif, le parquet ayant requis un non-lieu en cours d’instruction, au motif que «l’indigence, voire l’absence totale des contrôles effectués par la Société générale sur les chèques traités (pratique au demeurant courante dans toute la profession) ne procédait pas d’une volonté de dissimulation propre à caractériser le blanchiment». En pleine affaire Kerviel, il sera quand même intéressant de les entendre disserter sur «l’indigence» de leur contrôle interne.
On a déjà une idée de leurs réponses. Durant l’enquête, la banque avait distribué un «aide-mémoire» à ses cadres susceptibles d’être entendus par la police, en leur «recommandant de ne pas l’avoir sur soi et de ne pas donner l’impression de l’avoir appris par cœur». Gageons que Bouton saura réinterpréter son texte : «Ne pas reconnaître une quelconque déficience interne, même sous vive pression. Restituer les faits négatifs dans leur contexte, en les noyant dans les faits positifs et la complexité technique. Dire : "Notre organisation est exemplaire"; ne pas dire : "Des vérifications plus poussées engendreraient des coûts insupportables."»
Lobby. Les loulous du Sentier ont bien compris que, pour passer inaperçus, mieux vaut utiliser un compte créditeur, les banques ne s’alarmant qu’en cas de découvert. Ainsi, pour le parquet, «il apparaît regrettable que les agences et le service central de lutte contre le blanchiment n’aient le plus souvent analysé les dysfonctionnements qu’au regard des seuls risques d’insolvabilité des clients.»
Pour éviter d’échouer devant un tribunal correctionnel, le lobby bancaire aura déployé toute son influence. Cela commence en avril 2000 par une réunion de crise de l’Association française des banques (AFB): «Nous avons en face de nous des magistrats cow-boys prêts à dégainer sur tout ce qui bouge. Le meilleur moyen serait d’obtenir rapidement une intervention du législateur», indique le compte rendu de la réunion. En pleine procédure pénale, le lobby tente de modifier la loi sur le blanchiment. Il est reçu un mois plus tard à Bercy par le directeur de cabinet de Laurent Fabius, Bruno Cremel, qui assure que son ministre «partage vos préoccupations». Baudouin Prot, patron de la BNP, menace de «bloquer le système» des chèques si les poursuites continuent. Jean Peyrelevade, patron du Lyonnais, envisage de manifester devant la prison de la Santé en cas de mises en examen…
Peine perdue, le ministère de la Justice reste inflexible : pas question de modifier la règle en cours de match.
Le lobby envisage alors de profiter du passage à l’euro pour noyer la responsabilité des banques en matière de blanchiment. Une note de la Générale l’admet sans fard : «L’idée n’est pas mauvaise, mais la ficelle un peu grosse.» Encore raté.
Espoir. Les banquiers s’en remettent alors au parquet de Paris. Une délégation est reçue par le procureur Jean-Pierre Dintilhac et son adjoint Jean-Claude Marin. Ce denier leur lance : «Votre salle d’opération n’est pas propre.» Dans le compte rendu de cette réunion de «sensibilisation», le lobby conserve cependant l’espoir: «En abordant le cœur du problème, c’est-à-dire l’absence de vérification systématique des chèques, la position du parquet ne paraît pas exempte de contradiction.» De fait, Marin, actuel procureur, penche aujourd’hui pour le non-lieu.
Les juges d’instruction (Isabelle Prévost-Desprez puis Xavière Simeoni) passent outre. Un procès-verbal du conseil d’administration de la Société générale ne peut que regretter, en novembre 2000 : «La profession, malgré une réunion avec le procureur de la République et ses efforts tendant à introduire, dans la définition légale du blanchiment, la connaissance de l’origine frauduleuse des capitaux, n’a pas réussi à modérer l’attitude des juges d’instruction. A l’heure actuelle, ils envisagent d’autres mises en examen.» Pour Bouton et son équipe, ce sera chose faite un mois plus tard, la banque étant de surcroît poursuivie en tant que personne morale (1).
Il ne lui reste plus qu’à rajouter un paragraphe à son «aide-mémoire» avant audition. A la question : «Pourquoi la Société générale a tenté de faire modifier la loi plutôt que de mettre en place un contrôle renforcé ?»; répondre : «Cette initiative, appelée par toute la profession, tendait à mieux définir un texte pouvant être utilisé de manière redoutable contre elle.»
(1) La Marseillaise de Crédit, la Banque nationale du Pakistan et la Barclays sont également renvoyées en correctionnelle. La Berd, American Express, les banques Leumi et Saradar ont bénéficié d’un non-lieu.
http://www.liberation.fr/actualite/societe/328533.FR.php
Les banquiers défilent après avoir tenté de se défiler
RENAUD LECADRE
QUOTIDIEN : mercredi 28 mai 2008
L’Etat-major de la Société générale comparaît demain en correctionnelle pour blanchiment: Daniel Bouton (président), Emmanuel de Bouard (responsable des agences), Philippe Vigue (chef de l’inspection) et Chrisitian Schrike (secrétaire général). Ce sera le point d’orgue du procès Sentier II, entamé début février, qui juge un circuit de chèques frelatés (volés ou endossés) entre la France et Israël portant sur 150 millions d’euros, dont 20% ont transité par la Société générale. Cent trente prévenus (dont six rabbins et un magistrat) ont déjà comparu, ne restent plus que les banquiers.
«Indigence». Le risque pénal de l’équipe Bouton est relatif, le parquet ayant requis un non-lieu en cours d’instruction, au motif que «l’indigence, voire l’absence totale des contrôles effectués par la Société générale sur les chèques traités (pratique au demeurant courante dans toute la profession) ne procédait pas d’une volonté de dissimulation propre à caractériser le blanchiment». En pleine affaire Kerviel, il sera quand même intéressant de les entendre disserter sur «l’indigence» de leur contrôle interne.
On a déjà une idée de leurs réponses. Durant l’enquête, la banque avait distribué un «aide-mémoire» à ses cadres susceptibles d’être entendus par la police, en leur «recommandant de ne pas l’avoir sur soi et de ne pas donner l’impression de l’avoir appris par cœur». Gageons que Bouton saura réinterpréter son texte : «Ne pas reconnaître une quelconque déficience interne, même sous vive pression. Restituer les faits négatifs dans leur contexte, en les noyant dans les faits positifs et la complexité technique. Dire : "Notre organisation est exemplaire"; ne pas dire : "Des vérifications plus poussées engendreraient des coûts insupportables."»
Lobby. Les loulous du Sentier ont bien compris que, pour passer inaperçus, mieux vaut utiliser un compte créditeur, les banques ne s’alarmant qu’en cas de découvert. Ainsi, pour le parquet, «il apparaît regrettable que les agences et le service central de lutte contre le blanchiment n’aient le plus souvent analysé les dysfonctionnements qu’au regard des seuls risques d’insolvabilité des clients.»
Pour éviter d’échouer devant un tribunal correctionnel, le lobby bancaire aura déployé toute son influence. Cela commence en avril 2000 par une réunion de crise de l’Association française des banques (AFB): «Nous avons en face de nous des magistrats cow-boys prêts à dégainer sur tout ce qui bouge. Le meilleur moyen serait d’obtenir rapidement une intervention du législateur», indique le compte rendu de la réunion. En pleine procédure pénale, le lobby tente de modifier la loi sur le blanchiment. Il est reçu un mois plus tard à Bercy par le directeur de cabinet de Laurent Fabius, Bruno Cremel, qui assure que son ministre «partage vos préoccupations». Baudouin Prot, patron de la BNP, menace de «bloquer le système» des chèques si les poursuites continuent. Jean Peyrelevade, patron du Lyonnais, envisage de manifester devant la prison de la Santé en cas de mises en examen…
Peine perdue, le ministère de la Justice reste inflexible : pas question de modifier la règle en cours de match.
Le lobby envisage alors de profiter du passage à l’euro pour noyer la responsabilité des banques en matière de blanchiment. Une note de la Générale l’admet sans fard : «L’idée n’est pas mauvaise, mais la ficelle un peu grosse.» Encore raté.
Espoir. Les banquiers s’en remettent alors au parquet de Paris. Une délégation est reçue par le procureur Jean-Pierre Dintilhac et son adjoint Jean-Claude Marin. Ce denier leur lance : «Votre salle d’opération n’est pas propre.» Dans le compte rendu de cette réunion de «sensibilisation», le lobby conserve cependant l’espoir: «En abordant le cœur du problème, c’est-à-dire l’absence de vérification systématique des chèques, la position du parquet ne paraît pas exempte de contradiction.» De fait, Marin, actuel procureur, penche aujourd’hui pour le non-lieu.
Les juges d’instruction (Isabelle Prévost-Desprez puis Xavière Simeoni) passent outre. Un procès-verbal du conseil d’administration de la Société générale ne peut que regretter, en novembre 2000 : «La profession, malgré une réunion avec le procureur de la République et ses efforts tendant à introduire, dans la définition légale du blanchiment, la connaissance de l’origine frauduleuse des capitaux, n’a pas réussi à modérer l’attitude des juges d’instruction. A l’heure actuelle, ils envisagent d’autres mises en examen.» Pour Bouton et son équipe, ce sera chose faite un mois plus tard, la banque étant de surcroît poursuivie en tant que personne morale (1).
Il ne lui reste plus qu’à rajouter un paragraphe à son «aide-mémoire» avant audition. A la question : «Pourquoi la Société générale a tenté de faire modifier la loi plutôt que de mettre en place un contrôle renforcé ?»; répondre : «Cette initiative, appelée par toute la profession, tendait à mieux définir un texte pouvant être utilisé de manière redoutable contre elle.»
(1) La Marseillaise de Crédit, la Banque nationale du Pakistan et la Barclays sont également renvoyées en correctionnelle. La Berd, American Express, les banques Leumi et Saradar ont bénéficié d’un non-lieu.
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