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Les soufismes

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Message par avec-amour-et-paix Mer 2 Avr - 10:22

Introduction

L'homme, depuis son éveil mental, est en quête de sens. Esprit, il éprouve des besoins spirituels. Dans sa propre activité d'esprit il fait l'expérience de la transcendance, du dépassement de soi par un absolu qui donne un sens à l'être et au monde.

Comment méconnaître ce besoin de sens qu'éprouve l'homme, dont l'esprit, ouvert à l'universel, refuse les limites que la science voudrait imposer à sa soif de connaissance véritable. Il m'est difficile de le congédier en le mettant au compte des besoins psychologiques et sociaux.

Même si la religion a perdu culturellement beaucoup de terrain sous l'effet de la sécularisation, elle reste néanmoins une constante anthropologique de la société humaine, un fait d'actualités, et sans prétendre avancer un quelconque argument historique, ce besoin me semble une dimension importante pour l'harmonie de l'être avec soi et avec son environnement. Une dimension dont Bergson disait qu'elle est nécessaire quand elle est dynamique, ouverte et créatrice.

Par cette page, il ne s'agit point d'étaler sa foi sur le chemin, mais d'une volonté de partager une littérature de la spiritualité musulmane souvent méconnue par le grand public; très riche par son langage poétique suave et par sa sagesse universelle et dont tout un chacun peut s'y retrouver.

Ceci est donc une invitation à découvrir certains aspects de cette littérature mystique à travers quelques poèmes et contes des grands maîtres soufis que j'ai choisis à tout hasard. Mais aussi à travers des anecdotes du folklore oriental racontées par les derviches errants et véhiculant beaucoup de messages de l'enseignement soufi.

Enfin, c'est une façon à moi de rapprocher des visions en apparence différentes, mais qui au fond aspirent au même universel. Celui partagé par toutes les sagesses du monde. Selon une image soufie "tous les chemins mènent vers le centre et il n'y a qu'en étant loin du centre qu'on se sente loin les uns des autres".

Brahim


Les soufis

En schématisant à l'extrême, on pourrait dire que le soufisme est un ésotérisme par opposition à l'ésotérisme. Cette attitude ésotérique (batin) n'est pas fortuite, elle plonge ses racines dans le champ ouvert par le Coran. Dès lors que le soufisme représente l'aspect intérieur de l'Islam, sa doctrine est en substance un commentai-re ésotérique du Coran. Le prophète lui-même a donné la clef de toute exégèse coranique dans ses enseignements oralement transmis et vérifiés par la concordance d'intermédiaires.

Parmi ces paroles prophétiques, certaines sont fondamentales pour le soufisme, à savoir celles que le Prophète énonçait en sa qualité, non de législateur, mais de saint contemplatif, et qu'il adressait à ceux de ses compagnons qui furent, par la suite, les premiers maîtres soufis, puis celles où Dieu parla directement par la bouche du Prophète et qu'on appelle Sentences Saintes (Ahadith Qudsiya). Celles-ci relèvent du même degré d'inspiration que le Coran, mais non du même mode "objectif" de révélation; elles énoncent, du reste, des vérités qui n'étaient pas destinées à toute la communauté religieuse, mais aux seuls contemplatifs. C'est de là que part l'exégèse soufie du Coran, "se basant sur la parole du Prophète selon laquelle chaque parole du Coran comporterait plusieurs sens et sur le fait que chaque lettre a son sens (hadd) et que chaque définition implique un lieu d'ascension" (matla') 1.

Le soufisme est né pratiquement avec l'Islam, cependant le terme tasawuf n'est apparu qu'aux confins du IIe et IIIe siècles de l'hégire. Un groupe de spirituels chi'ites aurait été le premier désigné sous le nom de soufis. Parmi eux un certain 'Abdak (210/825) antérieur à Jonayd et son maître Sari al-Saqati.

La Tradition du Prophète abonde en préceptes mystiques. N'est-ce pas lui qui incita à une lecture ésotérique du Coran. Abou Hurayra disait: "j'ai gardé précieusement dans ma mémoire deux trésors de connaissance que j'avais reçu du messager de Dieu; l'un, je l'ai rendu public, mais si je divulguais l'autre, vous me trancheriez la gorge".

Après la disparition du dernier calife qui était le chef légal, théologique et mystique, l'autorité se divisa entre les jurisconsultes, les théologiens et les mystiques. Hassan al Basri (mort en 728) était probablement le premier mystique "pur" n'ayant pas de responsabilité dans la direction de l'État. C'est aussi le premier, sans doute, à avoir posé explicitement ce qu'allait être le fondement du soufisme: "Qui connaît Dieu l'aime, et qui connaît le monde y renonce" 2.

Ce renoncement est repris par Dâwad at-Tâ'i, disciple et successeur de Habib al 'Ajami (le persan) lui-même disciple de Hassan al Basri: "Fais ton jeûne de ce monde, fais ton déjeuner de la mort et fuis les hommes comme tu fuirais les bêtes" 3.

Ces principes vont inaugurer toute une lignée de mystiques qui ne vont pas se contenter de rechercher la haqiqa (vérité spirituelle permanente) au détriment de la Shari'a (la lettre de la loi divine). Au premier rang desquels Jonayd (mort en 297/909) surnommé Cheikh at-Taifa (le maître du groupe des soufis). Iranien d'origine, il reçut l'enseignement des plus grands maîtres de l'époque dont Abu Thawr al Kalbi et fût initié par son oncle Sari al Saqati. Il résida toute sa vie à Bagdad et laissa une quinzaine de traités dont Kitab at Tawhid (le Livre de l'Unicité) et Kitab al-Fana' (le Livre de l'Extinction). Il disait à propos de l'absorption mystique (al Fana'): "le soufisme, c'est que Dieu te fasse mourir à toi-même et vivre en lui" 4.
Le supplice de Hallaj

En 264/977, Hallaj fait la rencontre de Jonayd et pratique sous sa direction les exercices spirituels. Il reçoit la Khirqa (le manteau de soufi) des mains du maître. Mais dès son premier pèlerinage à la Mecque, il rompt ses relations avec les soufis ainsi qu'avec les traditionalistes et les juristes.

L'union avec Dieu réalisée grâce à l'amour était le sujet de ses prédications en public à Bagdad. Les canonistes en conçurent beaucoup de colère et l'accusèrent de panthéisme. Les soufis ne le soutinrent pas sous prétexte qu'il aurait divulgué des secrets qui ne devaient être communiqués qu'aux initiés. Hallaj avait commis la faute de rompre publiquement "la discipline de l'arcane". Les politiciens et les juristes réclamèrent une fatwa pour l'envoyer au gibet. Il fut mis à mort par un jour de printemps en l'an 922, le 24 Du'l-Qa'da.

Mais quels qu'aient pu être ses effets immédiat, son martyre se révéla finalement comme une source de force pour le statut des mystiques et pour le mysticisme lui-même au sein de la communauté dans son ensemble.

Le verdict déclarant que personne n'avait le droit de prononcer de telles paroles: "Ana al Haq" (je suis la Vérité) fut graduellement oublié en faveur d'une opinion selon laquelle ce n'était pas l'homme dans ce cas qui parlait et maintenant, pour un nombre croissant de musulmans la formule condamnée est elle-même d'abord un élément important de la preuve que Hallaj fut l'un des plus grands saints de l'Islam, alors qu'elle sert, en même temps, de démonstration générale du fait que les soufis ne sont pas toujours responsables de ce qu'ils expriment.

Cette reconnaissance graduelle et tardive est due en partie à des traités de soufisme plus simples. Des ouvrages accessibles à la masse comme Ta'aruf de Kalabadhi ou Kashf al Mahjub (le Dévoilement ds choses cachées) de Hujwiri.

Les IVe et Ve siècles connurent un foisonnement sans pareil de grands maîtres. Niffari est une des figures les plus intéressantes. Auteur de Kitab al Mawaqif (Le Livre des Stations) ou il relate les révélations qu'il aurait eues en état d'extase:

"Il m'établit dans la Mort; et je vis que les actes, tous sans exception, étaient mauvais.
Et je vis la crainte régnant sur l'espérance;
et je vis la richesse changée en feu et adhérant au feu;
et je vis la pauvreté comme un adversaire qui dépose;
et je vis que, de toutes les choses, aucune n'avait pouvoir sur l'autre;
et je vis que le monde est une illusion et les cieux en mensonge.

Et j'appelai: "Connaissance" mais elle ne répondit pas.
Et je vis que toute chose m'avait abandonné, et que tout être créé m'avait fui, je restais seul. Alors l'acte vint à moi et je vis en lui une imagination secrète et cette partie secrète était ce qui restait; et rien ne fut de secours que la Miséricorde de mon Seigneur.

Il me dit: Où est ta connaissance?
et je vis le Feu.

Il me dit: Où est ta gnose?
et je vis le Feu.

Et il me dévoila Ses Gnoses d'Unicité et le Feu s'éteignit.
Et il me dit: "je suis ton ami" et je fus affermi.
Et il me dit: "Je suis ta Gnose" et je parlai. Et il me dit: "je suis Celui que tu cherches" et je sortis".

Au-delà des propos d'extase qui ne peuvent être entendus que par une infime minorité d'initiés, il y eut un phénomène qui sauva le soufisme des griffes de ses détracteurs le jour où Ghazali 5 se convertit au soufisme.

Ce personnage exceptionnel ayant éprouvé les limites du rationalisme, fit l'expérience intense et providentielle de la nécessité du soufisme. Devenu l'un des premiers théologiens et juristes de Bagdad, il parvint à un état de crise durant lequel, comme il nous le rapporte, il fut pendant deux mois, en proie à des doutes sur la vérité de la religion. Le salut lui vint d'un contact avec le soufisme. Il raconte sa conversion (tawba) dans son autobiographie: al Munqidh min al Dhalal (Celui qui sauve de l'erreur) dont voici un extrait significatif:

"L'examen de ces doctrines terminé, je m'appliquai à l'étude de la Voie Soufie. Je vis que, pour la connaître parfaitement, il fallait joindre la pratique à la théorie. Le but que les soufis se proposent est celui-ci: arracher l'âme au joug tyrannique des passions, la délivrer de ses penchants coupables et de ses mauvais instincts, afin que dans le cur purifié il n'y ait place que pour Dieu; le moyen de cette purification est le dhikr Allah, la commémoration de Dieu et la concentration de toute sa pensée en lui. Comme il m'était plus facile de connaître leur doctrine que de la pratiquer, j'étudierai d'abord ceux de leurs livres qui la renferment... les ouvrages... les fragments qui nous sont restés des cheikhs. J'acquis une connaissance approfondie de leurs recherches, et je sus de leur méthode tout ce qu'on peut savoir par l'étude et l'enseignement oral; il me fut démontré que son dernier terme ne pouvait être révélé par l'enseignement, mais seulement par le transport, l'extase et la transformation de l'être moral... J'en savais tout ce que l'étude peut en apprendre, et ce qui manquait était du domaine, non de l'enseignement, mais de l'extase et de l'initiation... Faisant un sérieux retour sur moi-même, je me vis enserré de toutes parts dans ces attaches. Examinant mes actions dont les plus honorables étaient l'enseignement et le professorat, je me surpris plongé dans plusieurs études de peu de valeur et sans profit pour mon salut. Je sondai le fond de mon enseignement et je vis qu'au lieu d'être sincèrement consacré à Dieu, il n'était stimulé que par le vain désir de l'honneur et de la réputation. Je m'aperçus que j'étais sur le bord de l'abîme et que, sans une conversion immédiate je serai condamné au feu éternel... Enfin sentant la faiblesse et l'accablement de mon âme, je me réfugiai en Dieu comme un homme à bout de courage et sans ressources. "Celui qui exauce le malheureux qui l'invoque" daigna m'exaucer; il facilita à mon cur le sacrifice des honneurs, des richesses, de la famille".

Si Ghazali, le juriste shaféite, avait donné sa caution en se jetant corps et âme comme en témoignent ses "confessions" dans le soufisme, son jeune contemporain Abd al Qadir al Jilani avait rendu cette reconnaissance pleinement effective. Abd al Qadir réussira à faire admettre définitivement le soufisme dans la cité. La tariqa qadiriya en tant que branche de la jonaydia se développera dans la majeure partie des pays musulmans.

Avant d'évoquer le prolongement du soufisme en confréries religieuses, il n'est pas inutile d'évoquer l'ultime sinon la figure la plus marquante de l'histoire du soufisme: Ibn 'Arabi.
Al cheikh al akbar

Ibn 'Arabi est sans conteste celui qui donnera tout son sens au soufisme tant par sa pratique que par les centaines d'ouvrages qu'il a rédigé.

Né à Murcia en Andalousie en 569/1165, il rencontre à l'âge de 17 ans Ibn Rochd (Averroès) qu'il ne devait jamais revoir. Ibn 'Arabi peut être considéré comme un héritier d'Abou Madyan Shu'ayb 6 car il fut en contact étroit avec plusieurs de ses disciples et parlait toujours de lui avec la plus grande vénération, le désignant parfois comme son "Cheikh".

Bien qu'ils ne se soient jamais rencontrés de fait, ils communiquèrent néanmoins grâce au miracle de la lévitation. Le lien spirituel existant entre eux fut confirmé au temps de la jeunesse d'Ibn 'Arabi. Ce dernier raconte qu'un soir après avoir accompli la prière du maghrib [coucher du soleil], il se mit à penser très fort à Abou Madyan et ressentit un très vif désir de le voir. Quelques instants plus tard, un messager entra, le salua et l'informa qu'il venait de la part du saint avec lequel il venait d'accomplir la prière à Bougie. Abu Madyan l'avait chargé de dire à Muhyi'd-din: "Pour ce qui est de notre rencontre dans l'esprit, tout est bien, mais Dieu ne permettra pas celle que nous pourrions avoir dans ce monde matériel. Rassurez-vous, cependant, car le temps fixé pour une rencontre entre vous et moi se situe dans la sécurité de la miséricorde divine" 7.

Ce disciple de Abu Madyan, écrivain d'une prolixité colossale, produisit au cours de son existence quelques huit cent cinquante-six ouvrages dont seulement cinq cent cinquante nous sont parvenus et sont attestés dans deux mille neuf cent dix sept manuscrits. Son chef-d'uvre le plus célèbre s'intitule: Kitab al Futuhat al Makkiya (Le livre des conquêtes spirituelles de la Mecque ou Illuminations Mecquoises). Cet ouvrage fut rédigé à la Mecque sous l'injonction de l'ange de la révélation. Il comporte 565 chapitres répartis sur quatre volumes.

Ibn 'Arabi s'éteignit paisiblement à Damas, entouré des siens, le 28 Rabi' 11638/16 Novembre 1240 peu avant la prise de Bagdad par les Monghols en 1258.

Depuis la disparition du Khatem Al Awliya' (Sceau des Saints), le soufisme n'a plus connu de théoricien de cette envergure. Les ordres soufis ont servi, depuis lors, de relais avec des fortunes diverses à ces penseurs qui incarnèrent la spiritualité de l'Islam.

1 Burkhardt. Introduction aux doctrines ésotériques de l'islam
2 Abu Sa'id al-Kharraz. Kitab aç-Cidq
3 Qushairî. Risâlah
4 Qushairî. Risâlah
6 Al Ghazali surnommé Hujjat al Islam (la Preuve de l'Islam) naquit en 451/1059 à Tus dans le Khorassan. Après une formation de théologien et de juriste, il est nommé professeur à la Madrasa Nizamîya de Bagdad en 484/1091. En 488/1095, il renonce à sa chaire et entame une retraite mystique jusqu'à sa mort survenue en 505/1111.
7 Abu Madyan Shu'ayb était né à Séville, mais il se rendit en Orient où il aurait reçu son investiture (Khirqa) des mains d'Abd al-Qâdir Jilani.

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Message par avec-amour-et-paix Mer 2 Avr - 10:25

Comment vivre dans la vie quotidienne la Présence de l'ineffable et du sublime ?

Merveille de la création : la simplicité et la complexité, l'éternel et l'éphémère, les joies et les peines les plus profondes peuvent coïncider de façon extraordinaire dans tous les instants, dans tous les lieux, dans toutes les situations...

Cet homme qui respire, cet homme vivant, c'est toi !

Celui qui porte, conscient ou non, le souffle de cette prière qui te relie à tous les hommes et à toutes les créatures, c'est toi !

D'une lumière unique tant de couleurs peuvent jaillirent !

D'une terre unique tant de saveurs différentes sécrétées.

Homme étonnant, unique et multiple qui porte le ciel, la terre et tout ce qui s'y trouve, quelle doit être le pouvoir de ta prière lorsqu'elle est la conscience intégrante de tous ces degrés de l'existence.

Nous avons reçu le plus magnifique des cadeaux : la Lumière de L'ETRE.

Or voici que nous choisissons par le chemin de la prière d'ajouter encore une Lumière sur cette lumière :

Au plus profond de nous, dans le lieu de ton secret, sont inscrites les essences éternelles de toute la création, les réalités les plus subtiles et les plus mystérieuses, de tous les temps de toutes les époques, les perles du trésor divin habitant dans ton cœur.

C'est du fond de ce creuset alchimique qu'est notre cœur que la cuisson de la prière va épanouir notre secret et le manifester par le jaillissement des lumières.

Nous sommes le canal de cette permanente transmutation entre le ciel et la terre, entre ces essences et leur manifestation à l'existence.

Regardons notre fonction ! plus qu'une porte, plus qu'un pont, notre cœur est l'espace de la gestation de l'univers, celui de sa naissance permanente.

Nous pouvons dire que Dieu a choisi de se regarder dans le miroir de notre cœur mais ce n'est pas assez si nous ne remarquons pas qu'il a voulu que cela soit dans cette multitude des facettes de notre cœur afin de se faire connaître par tous ces angles de lumière que constituent ses NOMS SUBLIMES.

Pratique de la prière du cœur

L’organe ultime de la connaissance et de l’amour, c’est le cœur, mais encore faut-il le découvrir dans toutes ses profondeurs.

Par la fonction de cet organe spirituel, l’invocation des Noms de Dieu et la pratique des vertus correspondante, l’homme priant est conduit à se revêtir des qualités divines et réalise ainsi l’Homme universel

Celui qui aspire à réaliser ce degré sublime doit comprendre ce qu’il implique comme effort et lutte contre l’ego usurpateur.

Les maîtres soufis ont enseigné dans cette voie de la prière certaines conditions de pratique :



L’intention


Le repentir


La sincérité


La vigilance

En effet, prier sans avoir préparer le cœur est comme semer sur une terre non défrichée. Il faut apprendre à se prédisposer afin de recevoir la Présence divine. Je ne dis pas conformer le cœur car j’aurai peur que l’on comprenne qu’il doive s’identifier à une forme particulière. En effet en arabe, cœur se dit "qalb ", mot dont la racine évoque la notion de mutation, de transformation continuelle.

Le maître soufi Ibn Arabi souligne en ce sens l’analogie de ce cœur qui bat à chaque instant en relation avec notre souffle, avec le renouvellement permanent de la création et le renouvellement permanent des théophanies de la Présence divine qui assaille les profondeurs de l’être par une multitude de lumières, de secrets et de formes toujours nouvelles.

Ce cœur, organe de vision, est destiné à la contemplation, par une expérience spirituelle qui transcende les " credo " projetés par les pensées ou les croyances limitatives. Prier c’est donc apprendre à ce cœur cette capacité de reconnaître où qu’il se tourne, la Face de Dieu, ce qu’enseigne le Coran :

Que nous ne soyons pas limitées par une profession de foi particulière ou exclusive qui nous priverait de la Présence du bien-aimé dans une manifestation où ne saurions pas le reconnaître. Apprend ô mon cœur, à reconnaître ton Seigneur dans la richesse permanente et quotidienne de ses manifestations, quel que soit ton état.

L’intention

Voilà tout d’abord, la juste intention, que ce soit Lui qui me guide, par son Nom El HADI vers la connaissance de LUI par LUI, mais non pas en fonction de mes inquiétudes, de mes désirs ou de mes projections mentales.

Le repentir

Que le repentir au sens ancien du pathos m’aide à nettoyer ce cœur de tout ce qui le détourne et le voile de cette fonction de contemplation. Les religions peuvent avoir différents sens du péché mais pour celui qui pratique une expérience spirituelle, celui ci se résume à ce qui l’éloigne où le voile de la grande Présence.

La sincérité

La sincérité, c’est cette prédisposition qui donne l’unification de toutes les puissances de l’être au service de cette connaissance de cet amour, de cette contemplation. Le signe de cette sincérité réussie c’est que nos œuvres ensuite en témoignent par le service. C’est en ce sens qu’est souvent répétée cette célèbre phrase du Prophète Saydina Mohhamad (sur lui les grâces unifiantes et pacifiantes) :

" La foi véritable est quelque chose qui surgit dans le cœur et dont la sincérité se vérifie par les œuvres(çaddaqahu-l-a’mal) ". Prier c’est donc se vêtir des attributs divins qui sont l’expression de ses Noms sublimes que nous invoquons. Comment pourrions nous invoquer sincèrement le Généreux, Al KARIM, si nous ne nous vêtissons pas de la générosité, de la charité, comment invoquer le Miséricordieux, AR-RAHMAN, si nous ne sommes pas miséricordieux compatissants. Laissons nous imprégner par les couleurs multiples de Ses Noms de lumière dans toutes les situations de la vie quotidienne.

La vigilance

La vigilance, c’est le sens profond de ce qu’on appel extérieurement la piété, c’est la capacité de préserver cette Présence permanente, non pas d’une façon figée mais justement dans ce renouvellement continuel. C’est la fidélité, la constance et la stabilité dans cette actualisation permanente et créatrice de la connaissance.

La méthode

La voie soufie n'est pas une méthode ou un chemin que l'on pourrait simplement cataloguer parmis d'autres, c'est l'expression de l'épanouissement de l'Homme, dans toute sa dimension, dans la parfaite harmonisation de ses états de l'Etre. Il est vrai néanmoins que les maîtres ont enseigné certaines méthodes aux disciples afin de faciliter leur chemin sur la voie par des points de repère. C’est dans ce contexte seulement, après une préparation adéquate pour garantir l’orientation, qu’a été enseignée la concentration sur certains centres subtils du corps, au nombre de cinq par exemple, dans la confrérie naqchabandi. Ces centres subtils, " lataif ", sont tout autour de la poitrine, en relation avec les stations spirituelles des grands envoyés de l’humanité. Certains disciples se concentrent sur eux méthodiquement, d’autres en reçoivent directement l’ouverture de leur maître. Les lieux spirituels qui donnent un enseignement sur cette prière le donnent à des niveaux très divers.

Sur le plan historique de nombreux courants se sont réclamés du soufisme. En particulier, ils se sont formalisés en s'organisant de façon plus ou moins scolaire, selon les cas, en tant que confréries. Il convient de regarder ces groupements respectables comme des cristallisations particulières et circonstancielles qui ne sauraient néanmoins s'identifier à la Voie soufie. Ces lieux spirituels ou confréries doivent être considérés comme des aéroports d'importances différentes où il s'agit non de s'installer mais de décoller pour prendre la Voie. L'un des rôles principaux de ces lieux d’enseignement, lorsqu'ils restent vivants, est précisément d'apprendre au disciple à prier, à s'envoler, à trouver finalement son propre orbite et d’aider le disciple à "retourner à son Seigneur " selon le verset du Coran :



Ceci est une invitation pour l’âme errante à retrouver son principe. Le Maître soufi Ibn Arabi enseigne à partir de ce verset que l’homme ne rencontre Dieu que par la reconnaissance de son propre Seigneur. Celui ci représente cette face unique et à chaque fois particulière par laquelle Dieu se fait connaître à chaque homme dans le lieu de son secret.

Connaître ainsi le Nom particulier de Dieu qui nous est prédisposé est la clé de la satisfaction et de la paix. C’est l’âme qui en se connaissant connaît son Seigneur. Un lieu spirituel vivant, c'est celui où le compagnonnage est effectif. Le premier compagnon, c'est le maître spirituel ou l'instructeur délégué. Leur fonction est celle du miroir qui révèle au disciple la profondeur de son âme, le mettant face à sa Réalité. Le maître spirituel est le premier témoin de cette Présence qui est la réalisation vivante et entière de la prière.

La prière est la réalisation de notre véritable constitution humaine : ceci est le secret de la "çalat ‘ala-n-nabi ", la prière sur le Prophète. La mer agite son ressac, le vent souffle sur la terre, la pluie tombe du ciel et l'homme respire. Connaître le mouvement de la prière est intimement lié au fait de connaître la constitution de l'homme dans toute sa dimension. La prière soufie en effet est un acte de connaissance sur la voie. L’éveil de la conscience est comme l'expression de la vibration originelle, " le fiat lux ", " que la lumière soit ! " par laquelle le monde a été créé.

Dans la tradition soufie, le monde a été créé de cette lumière prophétique qui est la substance même de la création. Cette lumière a pris des formes humaines au cours de l'histoire, Adam, Elie, Abraham, Moise, Jésus, Mohammad. Tous sont des modalités de cette lumière qui a pris forme. Les maîtres spirituels sont quant à eux les héritiers de ces grands envoyés à notre époque et ils sont donc aussi les porteurs de cette lumière, de cette Présence. Celle ci nous renvoi à notre propre situation d'héritier, ici et maintenant, selon nos capacités. Elle nous conduit à cet éveil qui nous révèle notre place et qui est l'essence de notre prière. Elle est ce tissage de notre conscience qui relie la chaîne et la trame sur le métier à tisser de l'existence, elle relie l'arbre et la feuille, la structure holistique et le plus infime détail.

La prière sur le Prophète est dans cet esprit, la vivification de notre réalité profonde, sa mise à jour, son émergence, par la prière sur celui qui en est le symbole manifesté. Elle est éveil de cette conscience de l’Homme universel qui nous habite.

Quel est cet homme dont nous parlons ?

L’homme a été créé à l’image de Dieu confirme la Bible et le Coran, mais dans cet homme sont inclus à la fois, la possibilité virtuelle de l’Homme Universel et l’individu qui peut avoir oublié ce trésor divin, cet archétype idéal qu’il s’agit de réaliser par l’actualisation des possibilités de son ETRE.

Le grand maître soufi, In Arabi dit en ce sens :

" Lorsque parvient aux oreilles de l’homme qu’il a été créé selon la forme de DIEU, s’il ne fait pas la différence entrez l’Homme Universel et l’homme individuel il s’imagine que l’homme est selon la forme divine en tant que tel, alors qu’il n’en est pas ainsi : en tant qu’homme, il possède uniquement la capacité virtuelle de réaliser cette forme, de sorte que si celle ci lui est conférée, rien ne s’oppose à ce qu’il en soit le support. En ce cas mais en ce cas seulement, il sera selon la forme divine et sera compté au nombre des Califes (lieu-tenant de Dieu). (Futuhat, chap 463.voir Les sept étendards du Califat, Ch-A GILIS, Editions traditionnelles)

De la feuille à la racine : de notre état quotidien à notre réalité profonde.

L'homme de prière croit trouver parfois un lieu de repos pour son esprit en s'installant dans les profondeurs de son Etre, mais pour le musulman jaillit en permanence un cri : " Allahou Akbar ", "dieu est plus grand encore " (que ce qu’on Lui attribue quelle que soit la situation ).

Dieu est au-delà de cet arrêt, de cette étape si sublime soit-elle. Il n'y a pas de fin pour l'infini. Cette existence même porte l'exigence d'un renouvellement permanent de chaque instant. Nous sommes des vivants engagés dans une relation avec les plus petits détails de la vie. Cette immensité qui est en nous ne nous dispense pas d'avoir faim et soif, d'avoir sommeil, d'avoir froid ou chaud, de souffrir et de mourir.

Le sens de cette prière c'est d'être la respiration permanente qui relie cette immensité à cet instant fugitif, cette conscience d'infini à cette émotion, à cette conscience fugitive d'une douleur, d'une peine d'une pensée, d'une souffrance.

Cette prière c'est la sève qui dans l'arbre humain relie la racine à la feuille. Elle est créatrice comme la sève crée la feuille ou le fruit, elle est conversion de nos ténèbres en lumière, de nos souffrances en joie, de notre ignorance en connaissance par le pouvoir de cette intercession de miséricorde qu’elle contient, pouvoir de vie qui fait de cette terre sans saveur un fruit délicieux et nourrissant. Comme dans la nature la lumière par photosynthèse produit la végétation et les fruits.

La difficulté pour l’homme ordinaire, c’est que le monde et ses plus petits détails de chaque instant sollicite sa conscience, l’investissant avec tyrannie. Or il ne s’agit pas de quitter le monde mais au contraire de l’assumer de l’aimer, de le comprendre et de participer à sa transformation selon la place qui nous a été donnée depuis toujours par la Sagesse divine. Cet influx de miséricorde qui nous conduit à l’instar de la sève à nous transformer, nous conduit aussi dans la même mesure à une permanente intercession envers toutes les créatures dont nous sommes solidaires comme les particules d’un même corps. Notre place est aussi belle que toutes les autres places car elle porte une part de la lumière.

Quel que soit notre point de départ sur le chemin, nous avons l’honneur d’avoir reçu l’ETRE et la capacité de réaliser l’Homme universel qui synthétise en lui toute la création. Cette prédisposition ne nous dispense pas de prendre le chemin, au contraire elle nous y invite. La multiplicité de nos misères, de nos faiblesses et de nos souffrances humaines n’est pas plus destinée à nous détourner du chemin, au contraire elle constitue autant de portes, si simples soient-elles, vers la Réalité qui contient précisément toutes choses parce qu’elle est la Toute Possibilité dont l’Homme universel est le représentant sur la terre :

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Message par avec-amour-et-paix Mer 2 Avr - 10:31

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